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Œil qui casses ta clarté ronde
comme un cristal contre les dalles,
que font les vagues colossales
sur des plages, au bout du monde.

Œil d’immémorial ennui,
éclatant et livide,
que le temps sculpte au front du vide
dans le visage de la nuit.

Œil si vieux que la terre oublie,
monotone, depuis quel jour,
monotone, tu fais le tour
de sa mélancolie.

Œil chauve et que l’on sait béant
parmi les ombres claires,
lorsque, l’hiver, tu les éclaires
avec ta mort et ton néant.

Œil hostile des firmaments
qui travailles, sans nulle peur,
à la folie et la terreur
des poètes et des amants.