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Lyon, où je dois travailler chez M. Pomerais, chapelier. Voulez-vous partir à ma place ?

J’ai cru que ma mère allait l’étouffer en l’embrassant.

— Henriette, vous nous sauvez la vie ; je me souviendrai toujours du service que vous me rendez, et je prie Dieu qu’il me donne l’occasion de vous montrer ma reconnaissance.

Deux jours après, ma mère prit un passeport sous un nom supposé, avec le droit des indigents, trois sous par lieue, et le lendemain nous partîmes. Henriette nous fit la conduite avec un ouvrier ébéniste, nommé Honoré, qui avait voulu épouser ma mère, plus tard être mon parrain, et qui n’avait jamais été qu’un ami dévoué.

Nous arrivâmes bientôt à l’endroit où nous devions nous quitter. Ma mère se séparait à regret de ses amis : incertaine du lendemain, effrayée de la longueur de la route qu’elle allait entreprendre à pied avec moi, elle regardait en arrière. Mais le souvenir de son mari ne lui permettait pas d’hésiter : la crainte de voir apparaître un obstacle à notre fuite l’aiguillonnait. Quant à moi, je brûlais du désir de partir ; je tirais maman par sa robe. On eût dit que l’espace qui était devant nous m’appelait.

À l’âge que j’avais, la misère est une partie