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APRÈS LE NOVICIAT

tendres paroles du P. de Ravignan où éclate la volonté la plus virile. Et il ajoutait : « Qu’y a-t-il de plus fort que l’amour, le vrai amour ? Est-ce que la dévotion au Cœur de Jésus a tué la volonté ? »

Est-il nécessaire de l’ajouter ? Notre religieux, toujours prêt à tout immoler au Cœur de Jésus, n’avait point dérobé au contrôle de l’obéissance les battements de son cœur. De là, dans une paix profonde, le vol tranquille et doux de son âme. De là, sa joie habituelle ; la joie, dont saint Thomas nous dit qu’elle est l’harmonie de toutes nos puissances avec la volonté de Dieu.

« Jésus a laissé pour moi percer son Cœur, écrit encore le Frère. Jésus, moi aussi, je veux, pour vous, souffrir en mon cœur. Je suis prêt à vous sacrifier toutes mes affections… toutes. Je ne veux rien garder. Je veux vous donner, comme vous l’avez fait pour moi, jusqu’à la dernière goutte du sang de mon cœur[1]. » L’amitié, telle qu’il la comprenait et la pratiquait, n’avait rien d’éphémère. Il était fidèle à ses amis. Si l’amitié n’est pas éternelle, elle n’est pas vraie. Écoutons-le : « Au Paradis, nous serons ensemble, oui, ensemble, près de Dieu ; et alors combien plus nous nous aimerons !… Mais, peut-être se trouvera-t-il quelqu’un pour essayer de refouler tous ces sentiments d’une âme aimante, en vous adressant ce reproche : « Quoi ! relever votre courage et vous exciter à soutenir généreusement les combats de ce monde, en partie par l’espoir de vous reposer au ciel sur le cœur de ceux que vous aimez, n’est-ce pas une manifeste et grossière imperfection ? » Répondez, avec saint François Xavier, que « les plus grands saints furent sensibles à cette espérance, comme vous et plus que vous, et qu’ils désirèrent jouir dans l’éternité des chastes embrassements de leurs amis ».

Le frère Verjus réalisait au pied de la lettre ce beau mot de Bossuet : « L’amitié est une liaison particulière

  1. Méditation sur la Passion de Notre-Seigneur, 1878.