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CHEZAL-BENOÎT


latin, sinon du prestige, au moins une certaine autorité. Il n’en abusa jamais. Au contraire, il était joyeusement empressé à faire plaisir. Très volontiers il mettait au service de tous et de chacun ses petites lumières que les plus jeunes croyaient très grandes. « C’est à lui, nous écrit en souriant l’un d’eux, que je suis redevable d’avoir compris, après des fouilles inutiles dans mon dictionnaire, qu’en latin le que enclitique remplace l’et conjonctif. »

Il avait une façon charmante d’accueillir les nouveaux. Écoutez : « C’était le soir du 15 août 1874. J’arrivai à Chezal-Benoît, conduit par le vénéré P. Vandel. A peine avais-je franchi le grand portail qui ouvre sur la cour, que je vis venir à moi un enfant dont la joie débordait. Me sauter au cou et m’embrasser fut son premier mouvement ; puis, apercevant le lourd sac qui contenait mon trousseau, il l’enleva des deux mains, le hissa, comme il put, sur ses épaules et courut le porter au vestiaire, racontant, chemin faisant, aux camarades, sa bonne fortune. Cet enfant n’était autre qu’Henry Verjus. » Il était déjà plein de charité et de dévouement. Ayant appris l’arrivée d’un nouveau, il n’avait pu se contenir, et, muni de l’autorisation du supérieur, il avait brusquement quitté l’étude pour lui offrir ses services. « Cet acte d’exquise fraternité chez un enfant, ajoute son condisciple, fit sur moi l’impression la plus vive, et, aujourd’hui encore, après vingt ans, je m’en souviens comme si c’était d’hier. »

Un autre élève avait de la peine à s’habituer. Le mal du pays le prenait souvent et lui arrachait des larmes. Un jour d’hiver qu’il fallait, par un froid très vif, cirer ses souliers dans la cour, Frédéric se désolait plus encore que de coutume et pleurait dans un coin. Henry qui lui avait été donné pour « ange gardien », l’aperçoit. Il court à lui, il le console, le brosse et le cire avec un tel entrain et une cordialité si franche qu’il a du coup et pour toujours chassé les idées noires. « Certainement, dira plus tard Frédéric, c’est à Henry Verjus que je dois d’avoir gardé ma vocation. »