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toute sa grandeur ; et le peu de fixité et l’inconstance qu’on lui reproche s’effacent devant les immenses entreprises qu’il a réalisées près d’eux : il a élevé de nombreux édifices ; il a utilisé les eaux de l’Adda ; il a conduit pendant au moins soixante lieues, au milieu des plus grandes difficultés, le canal de la Mortesana, à travers les vallées de Chiavenne et de la Valteline ; il a garanti tout ce pays des inondations, autrefois fréquentes ; et à propos de ces travaux, il a professé et écrit des livres, premières leçons et premiers ouvrages qu’on ait faits sur cette matière. Ses études anatomiques, avec Mercantonio della Torre, n’ont point le caractère étroit de la spécialité pittoresque, mais ont servi au développement général de la science. Il a laissé aussi des choses précieuses sur l’optique[1], inventé le tour ovale, et d’autres appareils utiles ; il a terminé son grand tableau de la Cène, quoi qu’en dise Vasari[2] ; il a fondé une grande école, et s’est entouré d’élèves nombreux et forts que nous retrouverons dans le cours de cette histoire.

Certes, voilà une vie plus pleine de faits que de paroles, plus remarquable par la constance et la volonté que par l’imagination et la mobilité des goûts. Quelques œuvres inachevées, comme la Joconde de la galerie du Louvre, n’y font rien ; surtout si l’on pense à ce que le mauvais destin des Sforce et de Borgia, protecteurs de Léonard, dut lui apporter

  1. Benvenuto Cellini, Tratt., pag. 153.
  2. Armenion Giov. Batt., Veri precetti della pittura.