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Le carton terminé, Léonard se disposa à l’exécuter sur le mur. Il voulait le peindre à l’huile, et imagina une préparation si épaisse pour servir de dessous, qu’elle vint à couler et à gâter ce qu’il avait commencé ; ce qui lui fit abandonner le tout.

Léonard avait une noblesse d’âme qui se décélait dans toutes ses actions. On raconte qu’étant allé à la banque pour toucher la pension que le gonfalonier Piero Soderini lui faisait pour ce travail, le caissier voulut le payer en quadrins ; il refusa de les recevoir en disant : « Je ne suis pas un peintre à quadrins. » Puis, ayant appris que Soderini l’accusait de l’avoir trompé, et qu’on murmurait contre lui parce qu’il n’achevait pas son tableau, il rassembla, à l’aide de ses amis, le montant de tout ce qu’il avait reçu, et renvoya la somme à Soderini, qui à la vérité ne voulut pas la reprendre.

C’est alors qu’il partit pour Rome avec le duc Julien de Médicis. Léon X venait d’être élu pape. On connaissait déjà son goût pour les arts et les sciences, et sa passion particulière pour l’alchimie. Léonard, pour égayer le voyage, composait en cire des animaux si légers, qu’en soufflant dedans, ils s’envolaient jusqu’à ce que l’air qui les soutenait vînt à leur manquer.

Un vigneron du Belvédère avait trouvé un lézard fort curieux : Léonard s’en empara et fabriqua, avec des écailles arrachées à d’autres lézards, des ailes qu’il lui mit sur le dos, et qui frémissaient à chaque mouvement de l’animal, à cause du vif-argent qu’elles contenaient. Il lui ajusta en outre de gros yeux, des