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ce jugement parce qu’il a laissé inachevés une foule d’autres travaux. Mais ne vaut-il pas mieux croire que ce malheur doit être attribué, avant tout, à la nature de son génie inquiet et difficile à se contenter, cherchant toujours à ajouter merveille sur merveille, de façon que son travail ne s’achevait jamais, à cause de son désir de le trop achever, et comme dit notre Pétrarque[1] : Talchè l’opera fusse ritardata dal desio ? Quoi qu’il en soit, les gens impartiaux qui ont vu ce modèle en terre assurent que c’était une magnifique chose. Il fut conservé à Milan jusqu’à l’arrivée des Français, qui le mirent en pièces.

C’est dans les mêmes circonstances qu’on eut encore à regretter la perte d’un petit modèle en cire fort vanté, et d’un livre qui contenait les études du Vinci sur l’anatomie du cheval.

En effet, il s’était livré avec ardeur à l’étude de l’anatomie, surtout de celle du corps humain. Il travaillait de concert avec Messer della Torre qui échangeait avec lui les conseils et les leçons. Mercantonio della Torre, profond philosophe qui professait alors à Pavie et écrivait sur cette matière, fut un des premiers, m’a-t-on dit, qui jetèrent un grand jour sur la médecine, et qui remirent en honneur la doctrine de Gallien. Un des premiers aussi, il tira l’anatomie des épaisses ténèbres de l’ignorance et des préjugés. Della Torre se servit beaucoup, dans ses œuvres, du génie, de la science et de la main de

  1. Petrarca, Trionfo d’Amore, c. 3.