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ANTONELLO DE MESSINE.

vain, pas même Jacob Meyer, l’annaliste le plus substantiel de la Flandre, ne mentionne la fameuse invention de Jean de Bruges. Et comment Jacob Meyer aurait-il oublié de célébrer la nouveauté de ce procédé, si nouveauté il y eût eu, lui qui entre dans les plus futiles détails de l’histoire des Pays-Bas jusqu’en 1477, lui qui élève aux nues la ville de Bruges pour avoir donné naissance à plusieurs peintres et sculpteurs que, sur leur renommée, on appela en Danemark et en Norvège[1] ? Un fait aussi important que celui de l’invention de la peinture à l’huile aurait-il passé inaperçu devant ses yeux ? Au moins, Vasari aura vu sur quelque pierre tumulaire le titre d’inventeur accolé au nom de Van-Eyck ? Les distiques mortuaires ne sont pas, que nous sachions, oublieux des qualités des défunts. L’épitaphe de Jean de Bruges est muette, tout comme les historiens de son pays[2]. Mais à peine le livre du Vasari est-il sorti des presses du Torren-

  1. Flandricarum rerum, tom. IX, p. 45.
  2. Voici l’inscription gravée sur le tombeau de Jean Van-Eyck…, louanges banales, pas un mot allusif à l’invention de la peinture à l’huile :

    Hic iacet eximia clarus virtute Ioannes,
       In quo picturæ gratia mira fuit.
    Spirantes formas et humum florentibus herbis
       Pinxit et ad vivum quodlibet egit opus.
    Quippe illi Phidias et cedere debet Apelles,
       Arle illi inferior atque Polycletus erat.
    Crudeles igitur, crudeles dicite Parcas,
       Qui talem nobis eripuere virum.
    Actum sit lachrymis incommutabile fatum,
       Vivat ut in cœlis iam deprecare Deum !