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blissement. L’architecture, dans les changements que le génie humain fit subir aux croyances primitives, dut donc perdre en Grèce cet incomparable aspect de grandeur et les allures souveraines qui l’avaient distinguée dans l’Inde et dans l’Égypte. À mesure que le dogme religieux décroît, que le sacerdoce s’affaiblit, les forces et les affections individuelles sont davantage appelées à produire et à s’exprimer. De là des œuvres plus originalement élaborées, mais moins colossales ; plus sympathiques, mais moins imposantes ; car ce que l’individu gagne en indépendance et en énergie, le corps social le perd en autorité et en puissance. Au temps où l’homme est exploité et abruti sous les théocraties et sous les castes, la beauté consiste dans le volume, et le génie dans la patience. Au temps où l’homme s’affranchit et se développe, le génie s’exerce dans l’étude et la beauté se trouve dans la forme. Ce dernier moment est celui où les arts, enchaînés par l’architecture, se dégagent enfin ; la sculpture et la peinture, captives, étiolées à l’ombre du temple, s’échappent, et proclamant au grand jour leur indépendance, se confient à tous les élans et à toutes les inspirations du sentiment individuel. Or, comme ce sentiment est alors l’élément progressif par excellence, elles arrivent bientôt du même pas à leur complet épanouissement. Cette révolution est périlleuse pour l’architecture ; car, on le comprend, privée alors des énormes ressources que les religions et les despotismes immobiles peuvent seuls accumuler et dépenser, il faut qu’elle y trouve une com-