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manière de Giotto. Les exemples du Ghiberti devaient être féconds, pour peu qu’ils ne tombassent point sur un terrain trop ingrat, et Masolino était de ces natures généreuses qui rendent plus qu’on ne leur prête. Lorsqu’il abandonna son premier métier, il ne se contenta pas d’apporter à la peinture l’élégance et la pureté qu’il avait empruntées aux portes de bronze du baptistère ; il voulut la doter aussi de son chef, et il l’initia aux secrets du clair-obscur. Le premier, il enseigna à substituer à la sécheresse et à la crudité dont étaient empreintes les œuvres des élèves de Giotto, une douce harmonie de tons, jointe à de hardis contrastes d’ombres et de lumière ; en un mot, cette puissance d’effet que, plus tard, sous divers apects, le Vinci, le Giorgione, le Titien et Michel-Ange de Caravage, devaient pousser à un si haut degré. Mais on ne nous pardonnera probablement pas d’avoir osé lier les noms de ces princes de l’art à celui de notre obscur plébéien. Quels rapports, nous dira-t-on, peuvent exister entre le Vinci, qui, comme un diamant, enchâsse la lumière dans les ombres ; entre le Giorgione, dont le Titien lui-même ne saurait surpasser la magie ; entre Michel-Ange de Caravage, qui, selon l’expression d’Annibal Carrache, broie de la chair dans les ténèbres ; quels rapports entre ces hommes et Masolino, ce pâle Florentin qui grelotte à côté de son disciple Masaccio ? Dans le mince filet d’eau qui, sous l’herbe, se dérobe aux yeux, on ne soupçonne pas la source du grand fleuve qui, plus loin, déroule sur la grève ses nappes