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de toute évidence qu’il a eu une pleine conscience de la direction qu’il fallait suivre pour l’honneur de Florence.

Maintenant, après avoir appelé l’attention sur ce point assez pour avoir le droit d’en tirer ailleurs les déductions que nous croirons nécessaires, consignons ici, dans l’intérêt des développements dans lesquels nous comptons bientôt entrer sur le caractère propre de chaque école, quelques observations toutes relatives à l’Orcagna. La lecture seule de sa biographie suffirait pour montrer combien dans le choix de ses sujets il est tributaire des idées dantesques. Ses peintures du Campo-Santo de Pise et de la chapelle Strozzi à Florence sont empreintes de ce terrorisme mystique et de ce sentiment d’amour terrestre qui sont l’âme de la Divine Comédie. Comme dans les chants du Dante, et suivant que son art encore insuffisant s’y prête et le sert, on voit tour à tour dans ses peintures les plus terribles et les plus ravissantes apparitions. On est parti de là pour révoquer en doute son essor original et le ravaler jusqu’au rôle de servile traducteur. Nous ferons remarquer tout ce qu’il y a d’incompris dans un tel jugement, lorsque nous rendrons compte de la pratique particulière de l’école florentine. En attendant, nous posons ici en fait que la gloire même de l’Orcagna se trouve dans cette appropriation des idées et du sentiment du Dante. N’aurait-on aperçu dans les peintures de l’Orcagna qu’une imitation artistique de la grande œuvre du Dante, on aurait dû encore caractériser cette imitation avec plus de ménagement.