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tendirent en rien le modifier, et crurent qu’il suffisait de s’avancer de plus en plus sur sa ligne sans rien autrement prévoir. Mais le moment devait bientôt arriver, où l’art, plus développé, allait avoir autre chose à faire qu’à s’occuper seulement de progrès matériels et d’améliorations dans le système imitatif. Il fallait, déjà bien avant qu’il n’eût reçu ses dernières acquisitions, que l’art comptât avec le génie particulier des peuples, et que le sentiment individuel de l’artiste entrât en communication avec le sens national. Sans cette précieuse soumission, qui devait faire sa force et lui fournir son aliment, quelle signification, quelle vitalité, quelle physionomie l’art eût-il pu obtenir ou garder ? Ne serait-il pas vite devenu quelque chose de fantasque et d’inconsistant, d’amorti et de banal à la fois ? Le sévère et méditatif Orcagna fut donc le premier peintre qui paya réellement à Florence son tribut, comme le poëte Dante avait payé le sien. Sans doute l’Orcagna n’est pas à la hauteur du Dante ; sans doute son effort n’a dépassé ni Cimabue, ni Giotto, ni Stefano, comme Dante avait pu dépasser les ébauches poétiques de Guido Cavalcanti, de Fra Guittone et de Brunetto Latini. Les beaux temps de la peinture sont plus lents à venir. Il y a bien des siècles entre Homère et Phidias. Grâce encore à quelques hommes comme l’Orcagna, l’art moderne a été plus rapide que l’art grec, et trois siècles seulement séparent Michel-Ange de l’Homère florentin. Mais si l’Orcagna, à cause des conditions inhérentes à son art, n’a pu le porter bien loin, il n’en est pas moins