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BUONAMICO BUFFALMACCO.

aussitôt celui-ci et on lui montre le malfaiteur. À cette vue, il ne put s’empêcher de rire et de pleurer en même temps. Bref, il renvoya ses soldats et alla trouver l’évêque : « Monsignore, lui dit-il, vous aimez ma manière de peindre, mais votre magot en préfère une autre ; » puis il raconta la chose et ajouta : « Vous n’aviez besoin de chercher un peintre, puisque vous possédez dans votre maison un maestro qui peut-être, il est vrai, ignorait lui-même son talent ; mais maintenant qu’il a fait ses preuves, je lui cède la place, et pour prix de mes peines je ne demande que la permission de retourner à Florence. » L’évêque, en dépit de la contrariété que lui causait cet événement, riait à gorge déployée, surtout en pensant que le plus habile berneur du monde venait d’être pelotté par une bête. Enfin, lorsqu’il se fut assez diverti, il décida Buonamico à se remettre pour la troisième fois à l’œuvre. Le singe, en punition de son crime, fut enfermé dans une grande cage de bois, que l’on plaça près de Buonamico jusqu’à l’achèvement du tableau. On ne peut s’imaginer les sauts, les contorsions, les grimaces de ce mauvais animal qui était désespéré de voir travailler sans qu’il lui fût permis d’en faire autant.

L’évêque ordonna ensuite à Buffalmacco de peindre, sur la façade de son palais, l’aigle d’Arezzo terrassant le lion de Florence. Aussitôt, notre artiste construisit en planches solides, devant le mur qu’il devait décorer, un petit atelier dans lequel il ne laissa entrer personne, sous prétexte qu’il ne pouvait décemment se montrer occupé d’un sem-