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BUONAMICO BUFFALMACCO.

tants morceaux qu’il n’osait confier à son ouvrier ; elles se retirèrent donc discrètement et fort satisfaites. Quinze jours se passèrent sans nouvelle inspection de leur part, et sans que Buonamico remît le pied dans le couvent. Enfin, un soir, croyant que le maître était parti, nos religieuses coururent admirer les chefs-d’œuvre qu’il avait dû laisser. Quelle ne fut pas leur confusion en découvrant l’artiste qui depuis quinze jours tenait solennellement son pinceau élevé dans les airs ! Elles comprirent la leçon, et chargèrent leur économe de rappeler Buonamico qui leur apprit qu’un homme est tout différent d’un broc et de deux escabeaux, et qu’il ne faut pas juger une œuvre par les vêtements de l’ouvrier. Peu de jours après, il avait terminé un tableau qui fut trouvé parfait par les religieuses, à l’exception des chairs qui leur paraissaient, disaient-elles, un peu trop pâles. Buonamico n’eut garde de les contredire. Il savait que l’abbesse possédait un vin précieux, le meilleur de Florence, qui ne servait que pour le sacrifice de la messe. « Je corrigerais facilement ce défaut, dit-il, si je pouvais me procurer d’excellent vin pour délayer mes couleurs ; mes figures deviendraient roses et chaudement colorées ; mais le bon vin est rare et il m’en faut beaucoup. » Les bonnes sœurs ajoutèrent foi à ses paroles et lui prodiguèrent leur généreux nectar. Buonamico le savoura joyeusement, et trouva sur sa palette assez de ressources pour donner plus d’éclat et de fraîcheur à ses figures. Lorsqu’il eut achevé ces travaux, il peignit, dans une chapelle du cloître de l’abbaye de Settimo,