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Nous allons essayer de dire en peu mots pourquoi. Un artiste peut être puissant, ingénieux, sympathique, sans être le moins du monde complet. Sauf quelques rares et bien rares exceptions, tous les artistes forts ont été des hommes menés par des affections vives autant que jalouses, servis par une constitution énergique autant que bornée, soutenus par un parti pris ferme autant qu’étroit. Nous ne nous croyons pas obligés d’invoquer ici des noms célèbres, et surtout d’en choisir quelques-uns au bénéfice de notre idée, tant nous sommes sûrs d’être suffisamment suppléés par la mémoire de nos lecteurs. Seulement nous ferons remarquer qu’en allant au fond des choses, on s’aperçoit qu’on a inscrit un peu trop légèrement plusieurs hommes extraordinaires au nombre de ces artistes qui savent se partager, et qui, dans leur large et complaisante organisation, peuvent embrasser à la fois toutes les tendances artistiques. Ainsi l’on s’est manifestement trompé quand on a pris le grand Michel-Ange comme un des types les plus prononcés d’intelligence complète, de faculté universelle, d’aptitudes variées ; son éclatante supériorité dans nos trois arts n’y fait rien. Tel qui n’en a cultivé qu’un a pu montrer mieux que lui une plus réelle souplesse, une plus abondante facilité, une plus expédiente adresse ; car, en définitive, Michel-Ange peintre, sculpteur, architecte, n’a voulu obéir ou n’a pu satisfaire qu’à quelques conditions seulement des trois arts sur lesquels plane son immortelle et légitime renommée. En effet, combien d’aptitudes précieuses, de qua-