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Un sonnet à propoz, un petit épigramme
En faveur d’un grand prince ou de quelque grand’dame,
Ne sera pas mauvais ; mais garde-toy d’user
De mots durs ou nouveaulx qui puissent amuser
Tant soit peu le lisant : car la doulceur du stile
Fait que l’indocte vers aux oreilles distille,
Et ne fault s’enquerir s’il est bien ou mal fait,

Car le vers plus coulant est le vers plus parfaict.

Quelque nouveau poëte à la court se presente :
Je veulx qu’à l’aborder finement on le tente ;
Car s’il est ignorant, tu sçauras bien choisir
Lieu et temps à propoz pour en donner plaisir ;
Tu produiras partout ceste beste, et en somme
Aux despens d’un tel sot tu seras galland homme.

S’il est homme sçavant, il te fault dextrement
Le mener par le nez, le loüer sobrement,
Et d’un petit soubriz et branlement de teste
Devant les grands seigneurs luy faire quelque feste,
Le presenter au roy, et dire qu’il fait bien
Et qu’il a mérité qu’on luy face du bien.
Ainsi, tenant tousjours ce pauvre homme soubz bride,
Tu te feras valoir en luy servant de guide ;
Et, combien que tu sois d’envie époinçonné,
Tu ne seras pour tel toutefois soubsonné.

Je te veulx enseigner un aultre poinct notable,
Pour ce que de la court l’eschole c’est ta table16 ;


16. C’est dans les festins, à l’issue, c’est-à-dire au dessert, qu’on chantoit les chansons nouvelles, comme cela