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Bref, je ne montre icy d’un vers Horatien
Les vices et vertuz du poëme ancien,
Je ne depeins aussi le poëte du vide.
La court est mon autheur, mon exemple et ma guide12 ;
Je te veulx peindre icy comme un bon artisan
De toutes ses couleurs l’Apollon courtisan,
Où la longueur surtout il convient que je fuye,

Car de tout long ouvraige à la court on s’ennuye.

Celuy donc qui est né (car il se fault tenter
Premier que l’on se vienne à la court presenter)
À ce gentil mestier, il fault que de jeunesse
Aux ruses et façons de la court il se dresse ;
Ce precepte est commun, car qui veult s’avancer
À la court, de bonne heure il convient commencer.

Je ne veulx que longtemps à l’estude il pallisse,
Je ne veulx que resveur sur le livre il vieillisse,
Fueilletant studieux tous les soirs et matins
Les exemplaires grecs et les autheurs latins.
Ces exercices là font l’homme peu habile,
Le rendent catareux, maladif et debile,
Solitaire, facheux, taciturne et songeard ;
Mais nostre courtisan est beaucoup plus gaillard.
Pour un vers allonger ses ongles il ne ronge,
Il ne frappe sa table, il ne resve, il ne songe,
Se brouillant le cerveau de pensemens divers
Pour tirer de sa teste un miserable vers,


12. Le mot guide étoit alors du féminin dans toutes ses acceptions, comme il l’est encore dans le sens de rêne pour conduire les chevaux. V. t. I, p. 76.