Page:Variétés Tome VIII.djvu/307

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de la Republique, lequel, par les sacrées loix d’icelle, doit estre reveré, respecté et très asseuré à tous[1], iceluy Georges mettant en oubly toute reverence et craincte de Dieu et de la justice, et tout esgard à la très griefve offence qu’il faisoit à sa patrie, auroit faict assaillir iceluy Zen d’une façon inhumaine, barbare et inouïe, et blesser et malmener à coups de hachette[2] et de poignard, en intention de luy oster totalement la vie ; lesdicts meurtriers n’ayant cessé de le meurtrir et blesser qu’ils n’eussent assouvy leur cruauté et felonie, le croyant mort ; après quoy, s’estant retirez et sauvez au dedans la porte quy va au palais et à la descente de sa serenité, et l’ayant fermée pour n’estre suivis de sergents et d’autres gens accourus à un delict si atroce et si execrable, se seroient acheminez au lieu dict Car-ane[3], là où le dict Georges faisoit tenir une gondole toute preste à cest effect, par le moyen de

  1. Voici le texte même de ce passage, si remarquable de fierté : « Passeggiando sotto il Portico della Corte del Palazzo, vicino alla Scala de’ Giganti, che vuol dire nel proprio sena della Republica, che per le sacrosante leggi di essa, deve esser riverito, riguardato e securissimo a tutti. »
  2. Nous avons dit plus haut qu’une hache avoit été trouvée sur le lieu du crime.
  3. C’est sans doute une altération des mots ca-grande, qui sont eux-mêmes une altération de canale-grande. Les Corner avoient en effet leur palais sur le grand canal. Il existe toujours, et c’est un des plus élégants de Venise. J. Sansovino, qui en fut l’architecte, n’en a pas bâti de plus magnifique. On l’appelle encore palazzo Corner della ca-grande.