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Jusqu’à vouloir rogner sur ma pitance,
À moi, chétif, qui n’ai pour revenus,
Tout bien compté, que cent moins quatre écus.
Pour un rimeur la somme n’est pas mince ;
Las ! je le sçais, et vivrois comme un prince
Si l’on vouloit ne rien prendre dessus ;
Mais il me faut mes cent moins quatre écus.
Ces écus-là je les divise en douze,
C’est huit par mois, dont, si je ne me blouze,
Après avoir aquité mon loyer,
Le blanchisseur, l’auberge et le barbier,
Sans faire un sol de depense frivole,
Il ne sçauroit me rester une obole ;
Ou, si l’on croit qu’il en puisse rester
(Je ne suis point un homme à contester),
Que l’on me trouve une honnête personne
Qui me défraye, et pour lors j’abandonne,
Sans rien ôter, ni donner rien de plus,
À qui voudra mes cent moins quatre écus :
Du revenant je consens qu’il profite.
Mais quel mortel, fût-ce un autre Stylite,
Mangeant pour vivre et vivant de fruits cruds,
Vivroit à moins de cent moins quatre écus ?
Et cependant, certain monsieur Cozette,
Homme zélé, sur tout pour sa recette,
Veut qu’aujourd’hui, plus sobre qu’un réclus,
Je vive à moins de cent moins quatre écus ;
Ce beau Monsieur (dont le ciel me delivre !)
Veut que je paye onze fois une livre,
C’est onze francs, ou Baresme est un sot4.



4. J. J. Rousseau, lorsqu’il logeoit, en 1772, au cin-