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De tous costez tirassé par ces piffres,
Un affecté me monstroit quelques chiffres
Et un papier qui parloit de prison,
Contre lequel je disois ma raison :
« Hé ! menez moy, pour mon dernier refuge,
Disois je à eux, un peu devant le juge. »
Mais, quelque droit que je leur sçeus prescher,
Jamais aucun ne me voulut lascher ;
Chacun taschoit d’en emporter sa pièce ;
Le plus petit me tenoit à la fesse,
Et le plus grand, faisant du bon valet,
Tout furieux me tenoit au colet.
De çà de là tiré par leur main croche,
J’allois branslant comme une grosse cloche ;
Comme un corps sainct ils m’eslevoient en l’air,
Ne me donnant le loisir de parler ;
De la façon ma personne conduite
Tiroit après des gens une grand suitte ;
De la rhumeur je fus si estourdy
Que je n’ouy carillonner midy.
Je fus posé par ses fauces canailles
En sentinelle entre quatre murailles,
Où pour certain vous me pourrez trouver,
Faute qu’aucun ne m’en veut relever.
Le seul regret qui le plus m’accompagne,
C’est de n’avoir plus large la campagne.
Je crie assez pour sortir de ce four,
Mais à ma voix tout est là dedans sourd.
Si tout ainsi sourde m’est vostre oreille,
Si vostre veue à me garder ne veille
Et si non plus vous n’avez de moy soing,
Je n’iray pas à dix mille lieues loing.