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Tous ses plaisirs le laissent au pourtail,
Et, aussi tost qu’il a passé la porte,
Un camp d’ennuis luy faict nouvelle scorte

Accompagnez d’angoisse et de travail.

Tous ses amis, amis, dis-je, de table,
En le voyant chetif et miserable
Tournent le dos, riant de son ennuy,
Et ceux qui ont despendu sa richesse,
Au lieu d’avoir l’espée vengeresse
Pour le venger, se bandent contre luy.

Le prisonnier, dès l’heure donc qu’il entre
Dans la prison, il est clos dans le ventre
D’un vil cachot d’espouvantable horreur,
Où il se paist seullement de ses larmes,
Où il se void en estranges allarmes,
Où l’air infaict luy faict vomir le cœur.

Le doux sommeil s’enfuit loing de sa couche,
La puanteur empuantit sa bouche ;
Il n’a repos non plus que de clarté ;
Son œil ne void que l’horreur des tenèbres,
L’oreille n’oit que mille chants funèbres,
Son sang ne sent que sa captivité.

Là, desolé, il sent en son courage
Et en l’esprit mille poinctes de rage ;
Il nomme heureux les ostes des tombeaux ;
Il hait si fort sa miserable vie
Qu’il voudroit voir sa chair toute pourrie
Dans l’estomach des chiens et des corbeaux.