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resta, tant pour se reposer, estant trevaillé du chemin, que pour se remettre en bon-poinct, se sentant attenué et fort maigre d’une griève maladie. Là il faisoit entendre à l’hoste qu’il estoit Martin dessus mentionné, luy racontant durant son absence supposée toute la vie qu’il avoit censé mesnée loin de sa femme ; et luy demandant (en faisant le pleureur) comme sa dite femme et toute sa famille et ses parents se portoient. Le bruit fut incontinent par tout le village que Martin Guerre estoit revenu, et ne tarda guères que cela vint jusques à ses sœurs, qui coururent soudain pour le recevoir en l’hostellerie. Le bruit que les femmes avoient ainsy entendu et le plaisir qu’elles en recevoient gardoit les peu advisées que elles ne cogneussent la verité ; et de faict elles le saluèrent et caressèrent comme le frère Martin ; et après retournèrent incontinent vers la femme Bertrande pour luy annoncer le retour de son mary, qui estoit au village prochein ; de quoy fut fort joyeuse et se hasta d’y aller : car je vous laisse à penser quel plaisir elle avoit du retour de son mary, après luy avoir, en son absence, gardé si longuement fidélité et s’estre gouvernée fort vertueusement. Quand elle fut arrivée devers luy, de prime abordée elle se retint comme eshabie et ne vouloit aprocher ; mais, comme doubteuse, se retiroit en arriére. Il l’apella en paroles amiables et par son nom, et commença par luy remettre en mesmoire ce qu’ils avoient fait durant leurs amourettes avant d’estre mariez, voire les petits propos qu’ils avoient tenu la première nuict de leur mariage, et specialement en quel coffre il avoit laissé ces chausses blan-