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Il se tourne de l’autre afin qu’on le salue,
Regarde son chapeau, et de deux en deux tours
Le montre à ses amis du costé du velours,
Se panade à plaisir, et par ses esquipées
Crache à ses ennemys cent mille coups d’espées,
Faict tarir en leur source, au bruict de son tousser,
Les discours quy se vont en torrens amasser,
Fulmine de la langue et met tout en deroute
Lorsqu’il voit que personne à son gré ne l’escoute ;
Mais il ne pense pas, le courtaut mal apris,
Si l’on parle de luy, que c’est avec mespris ;
Que les petits enfans quy sont à la Licorne17
Luy font, pour s’en mocquer, à toute heure les cornes ;
Qu’on le chifle partout, et que ses compagnons
Luy donnent en passant tous les jours des lardons ;
Ou encor qu’il y songe il a si peu de rate,
Qu’il veult s’esterniser comme fit Erostrate.
Il est si peu rusé qu’au despens du renom
Il veut après sa mort faire vivre son nom.
Ce renom que je dy ne se prend pas au pire :
C’est l’honneur que j’entends, où tout le monde aspire.
Pauvre sot, où cours-tu ? que te doivent les cieux,
Pour leur faire savoir le desdain de tes yeux ?



17. Sans doute le cabaret de la Licorne, qui a donné son nom à l’une des rues de la Cité. En 1816, selon la Tynna, il s’y trouvoit encore, au nº 8, un marchand de vin ayant une licorne pour enseigne. On disoit, pour prédire à quelqu’un quelque bonne raillerie : Les petits enfants en iront au vin et à la moutarde, d’où le nom trivial de moutard donné à ceux-ci. Ce que disent ces deux vers répond évidemment à cette locution, qui se trouve déjà dans Villon, et que Malherbe, dans ses lettres à Peiresc, employoit encore.