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le coupoit par morceaux, et le faisoit manger par celui qui avoit été honoré du cordon. Cet honnête frère auroit fort bien expedié dans un jour toute la chambrée ; mais comme ce n’etoit pas tout à fait pour lui faire fête qu’on le nourrissoit de cette façon, on avoit soin de lui menager sa bonne fortune, et ordinairement ce n’etoit que le neuf ou le dixième jour qu’il avaloit le dernier.

Le mangeur avoit son tour ; mais sa destinée etoit plus noble, puisqu’il étoit reservé pour la bouche du colonel : aussi, avant d’être sacrifié, il avoit l’a-


à fait notre histoire, avec cette différence que, dans la pièce de 1789, le mangeur finit par être mangé et que le massacre de canards n’est pas aussi considérable ; l’un dans l’autre, il n’y en a que six plumés et dévorés. L’écrivain belge, qui attribue l’invention à Cornelissen, ajoute : « Cette petite histoire fut répétée de proche en proche par tous les journaux et fit le tour de l’Europe. Elle étoit à peu près oubliée depuis une vingtaine d’années, lorsqu’elle nous revint d’Amérique, avec tous les développements qu’elle n’avoit point dans son origine, et avec une espèce de procès-verbal de l’autopsie du dernier survivant, auquel on prétendoit avoir trouvé des lésions graves dans l’œsophage. On finit par rire de l’histoire du canard, mais le mot resta. » L’étymologie nous sembleroit curieuse et acceptable si nous ne savions que dès le 16e siècle on disoit, dans le sens de mentir : vendre ou donner un canard à moitié, et pour menteur : un donneur de canards. V. Les Néapolitaines de Fr. d’Amboise (anc. Th., t. 6, p. 301) ; Cotgrave, cité par Oudin, Curiositez françoises, au mot Canard. V. aussi la Comédie de proverbes, acte 3, sc. 7 ; Venéroni, Dictionnaire françois–italien, 1723, in-4, au mot Canard ; et surtout Francisque Michel, Études de philologie comparée sur l’argot, p. 88.