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espèce, et cuittes en leur naturel, sans y mettre toutes ces friandises nouvelles, il ne s’en feroit pas telle dissipation, et les vivres en seroient à meilleur marché. Et bien que les vivres soient plus chers qu’ils ne furent onques, si est-ce que chacun aujourdhuy se mesle de faire festins, et un festin n’est pas bien fait s’il n’y a une infinité de viandes sophistiquées, pour aiguiser l’apetit et irriter la nature. Chacun aujourd’huy veut aller disner chez le More, chez Sanson, chez Innocent et chez Havart39, ministres de volupté et despense, qui, en une chose publique bien policée et reglée, seroient bannis et chassez comme corrupteurs des mœurs40.

Et est certain que, si ceux qui tiennent les grandes tables, et font ordinairement festins et banquets,


39. C’étoient les fameux cabaretiers du temps. Dans le Discours de Bodin, le More est seul cité ; il étoit de tous le plus en vogue ; L’Estoille en parle. Un peu plus tard il y eut le cabaret du Petit-More, où alloit Saint-Amand, et dont l’enseigne : Av peti Mavre, se voit encore au dessus d’un marchand de vin faisant le coin de la rue de Seine et de celle des Marais-Saint-Germain. Sur ces cabarets à gros écots, dont le prix ne fit qu’augmenter au 17e siècle, V. notre édit. des Caquets, p. 28, note, et notre t. 3, p. 318.

40. Le chancelier de L’Hospital en avoit pensé ainsi. Sa proscription s’étoit étendue jusqu’aux petits pâtés, jusqu’aux brioches et pains d’épices, qu’en 1568 il avoit défendu à toutes personnes de vendre en leurs maisons, par la ville et fauxbourgs de Paris. Au mois de janvier 1563, il avoit rendu un édit par lequel sont réglementées de la façon la plus sévère toutes les choses dont du Haillan déplore ici la prodigalité et l’abus. On voit par-là de quelle manière l’édit avoit été observé : « On a fait de beaux édits,