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avoueray mesme, si vous le voulez, que je ne crois pas que, depuis qu’il y a des vers et des poëtes, il y ait jamais rien eu, pour ce qui est de la beauté de l’invention, de comparable, soit en grec, latin ou françois, aux Visionaires que vous venez de nommer. Mais tant y a que, comme une goute d’eau ne fait pas la mer, vous ne pouvez pas conclure que, pour une pièce peut-estre que nous avons eue exempte des defauts des autres, nostre poesie soit en un si haut point de perfection que vous la mettez : car, je vous prie, le poëme dramatique n’estant qu’une pure, vraye et naïve image de la societé civile, n’est-il pas vray que la vraysemblance n’y peut estre choquée le moins du monde sans commettre une faute essentielle contre l’art ? Les poëtes mesmes tombent d’accord de cecy, puis qu’ils ne nous chantent autre chose pour authoriser leur unité de scène et de lieu ; et pourtant où m’en trouverez-vous, je dis de ceux-mesmes que vous m’aportez pour modèles, qui ne l’ayent violée une infinité de fois dans leurs plus excellens ouvrages ? Montrez-moy une pièce exempte de soliloques ; cependant y a-t’il rien de plus ridicule et de moins probable que de voir un homme se parler luy seul tout haut un gros quart d’heure ? Cela nous arrive-t’il jamais quand nous sommes en nostre particulier, je dis dans le plus fort de nos passions les plus violentes ? Nous pousserons bien quelque fois quelque soûpir, nous ferons bien un jurement ; mais de parler long-temps, de resoudre nos desseins les plus importans en criant à pleine teste, jamais. Pour moy, je sçay bon gré à un de mes amis, qui,