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ne croit pas qu’il y ait au monde d’esprit comparable au sien. Il esi si friand de louange, que, luy ayant refusé des vers qu’il m’avoit demandez pour mettre au devant de l’un de ses ouvrages, il a bien eu l’impudence d’en composer qu’il y a appliquez sous mon nom, et que, messieurs…, etc…, luy en ayant donné d’autres où il ne se trouvoit pas assez loué à sa fantaisie, il les changea et gasta tous pour y mettre plus d’eloges. C’est tout ce que je vous apprendray de Sibus, dont je ne feray pas l’histoire plus longue, m’imaginant qu’elle l’est assez pour vous avoir beaucoup ennuyé. »

L’historien du poëte n’eut pas plustost prononcé cecy que Sylon prit la parole pour l’asseurer qu’au contraire il y avoit pris beaucoup de satisfaction. Ils se mirent ensuite à faire diverses reflections sur ce petit personnage, et, pource que l’historien dit qu’il falloit que ce fût une ame bien basse de se mesler ainsi d’une chose où il n’entendoit rien (ils parloient de sa poesie) : « Tant s’en faut, repliqua Sylon ; je trouve, pour moy, que ce doit estre un habile homme, d’avoir trouvé moyen de vivre d’un mestier qu’il ne sçait pas. — En effet, repartit l’historien avec un souris que cette reponse attira sur ses lèvres, si Diogène eut raison, voyant qu’on se gaussoit d’un miserable musicien, de le louer bien fort de ce qu’entendant si mal son mestier il ne s’estoit point mis à celuy de voleur, ne peut-on pas dire aussi que Sibus ne peut recevoir trop de louange de ce que, gagnant si peu dans sa profession et y reussissant si mal, il a eu neantmoins la constance d’y perseverer jusques à la fin, sans qu’il luy ait jamais pris