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Hé ! prestres, venez, accourez,
Ce pauvre juge secourez ;
Que vostre eau salubre le lave,
Et n’oblyez le pain benit9,
À celle fin que l’aconit10
Ne vienne à naistre de sa bave.

Comme peut-il en ce bas lieu
Estre l’image du grand Dieu,
Ayant en soy le roy des vices ?
Il devient demon peu à peu ;
On n’esteindra jamais ce feu,
Car il ayme trop les espices11.

Non, non, prestres, ne venez pas :
En vain vous feriez tant de pas,
Puisque ce demon le possède ;
Celuy-là qui s’est destiné
Pour vivre et mourir obstiné
N’a besoing de vostre remède.



9. On est encore persuadé dans quelques villes de province qu’en gardant les morceaux de pain bénit qui se distribuent le dimanche à l’église, on se donne un préservatif contre les maléfices. Aussi a-t-on bien soin de les laisser religieusement moisir dans le fond de quelque tiroir.

10. Cette herbe étoit née, disent les poètes, de la bave tombée de la triple gueule de Cerbère, quand Hercule lui étreignit fortement le gosier et l’arracha des enfers. (Ovide, Metamorph., liv. 7 ; Pline, liv. 27, ch. 3.)

11. Sur les épices donnés aux juges pour honoraires, voir t. 2, p. 179.