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Qu’il faudroit tost me retirer de là,
Je me tournay vers ceste trouppe heureuse,
Et d’une voix plus triste que joyeuse,
Les appellent mes hostes, mes mignons,
Je dis ainsi : Ô mes chers compagnons !
Ne pouvant guère arrester davantage
Pour contempler vostre plaisant ramage,
Ny ce qui est d’admirable en ce lieu,
Il s’en va temps que je vous die adieu,
En vous priant de croire que j’envie
De revoir tost vostre agreable vie ;
De revoir tost dans ces antres moussez
Non des bourgeois les palais tapissez,
Ny des vergers arrousez d’eau forcée
Jusqu’au plus haut d’une pierre percée,
Ny d’un jardin les beaux compartimens,
Ny des plus vains les riches vestemens,
Ny cet esclat que dans les vagues perses17
On va pescher, ny les couleurs diverses
Dont autrefois à l’envy deux pinceaux
L’un trompa l’homme, et l’autre les oyseaux,
Mais pour y voir les beaux tapis sans leine
Que le printemps, sans art, sans or, sans peine,
Fait tous les ans et de tant de couleurs
Qu’on n’en sçauroit estimer les valeurs :
Car, sans mentir, il faut que je confesse,
En admirant du grand Dieu la sagesse,
Que ce creux verd, cet antre environné
D’herbe et de fleurs et d’arbres couronné,
Ce bois sauvage et tout ce grand parterre,



17. On sait que les huîtres perlières dont l’écaille fournit la nacre se pêchoient alors exclusivement dans le golfe Persique.