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des larmes lavoit les traits de ma face, mouillant ma blonde chevelure ; mais, ayant eu commandement de mon capitaine, il me la falut quitter et me desrober de sa presence. Comme je fus au Bourg la Reine, on voulut faire halte ; mais le sergeant dit : Avançons ! En cest avance nous cheminons jusqu’à Lonjumeau, qui pour lors estoit un dimanche. Ce fut là la demeure de deux jours, où les soldats prenoient mille plaisirs à se jouer avec femmes et filles, devisant les uns avec les autres ; bref, il falut passer outre, et, quand nous fusmes à Montlehery, me mettant à regarder de tous costez, où nous vismes un petit bois, puis deux grandes pleines et quelque petite montagne, moy, emerveillé de voir la terre ainsi faitte, je commence à dire : Dieu a bien travaillé2,


2. C’est à peu près ce que dit la chanson du Jeune chapelier de la rue Saint Denis qui s’en va au siége de Montlhéry :

Quand fut à Montlhery,
Sur ces hautes montagnes,
Voyant derrière luy
Toutes ces grand’s campagnes,
Fit trois pas en arrière :
Ah ! que le monde est grand.

Une gravure du temps, représentant un joueur de vielle suivi d’un enfant qui joue du flageolet, porte ce couplet pour légende. M. Rathery, qui le cite dans un article sur la Bibliographie des mazarinades (Athenaeum, 13 février 1853), remarque avec justesse que La Fontaine a bien pu s’inspirer du dernier vers pour l’exclamation de son rat voyageur dans sa fable le Rat et l’Huitre (liv. viii, fable 9) :

Que le monde, dit-il, est grand et spacieux !

Ce couplet, du reste, se trouve presque entier dans une chanson satirique contre le Prince de Savoie, qui dut être faite à cette même époque, et qui est encore assez populaire aujourd’hui pour