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Ô honte ! cependant ils n’en font point de cas,
Et je rougis de voir qu’ils ne rougissent pas.
De quel front peuvent-ils nous reprocher sans cesse
Tout ce qu’à leur egard nous avons de foiblesse,
Eux qui, moins exposez, mais plus foibles que nous,
Tous les jours en captifs tombent à nos genoux !
Que deviendroient-ils donc si, pour vaincre leurs ames,
Les femmes les pressoient comme ils pressent les femmes ?
Ces lâches, à nos yeux, ne sçavent s’occuper
Que du soin de mieux feindre et de nous mieux tromper.
Et comment se peut-il que nos cœurs se defendent
Des piéges dangereux qu’à toute heure ils nous tendent ?
Faut-il estre surpris de voir qu’ils soient aimez ?
Ils sont pour nous seduire en femmes transformez.
Dans notre ecole même ils ont appris l’usage
De poudrer leurs cheveux, de farder leur visage,
De deguiser enfin jusqu’au ton de leur voix.
Quel changement honteux ! Sont-ce là ces Gaulois
Dont jadis le seul nom fut la terreur de Rome ?
À peine ont-ils encor quelque chose de l’homme.
Je ne veux pas confondre avec ces lâches cœurs
Ceux qui, dignes enfans de leurs predecesseurs,
Comme eux dans les hazards vont chercher la victoire,
Et rendent à leur cendre une nouvelle gloire ;
Non, je ne parle icy que de ceux que l’amour
Attache indignement à nous faire la cour.
Corinne, ces objets n’ont rien qui ne me blesse.
Je leur pardonnerois leur honteuse molesse
Si du moins en ces lieux la paix, l’aimable paix,
Faisoit regner l’amour avec tous ses attraits ;
Mais vivre auprès de nous dans une paix profonde
Lors que Mars en fureur ravage tout le monde,