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Pour que du haut en bas je puisse calfeutrer
Chaque fente par où le froid pourroit entrer.
De crainte que l’eté la chaleur excessive
Ne fasse empuantir et tourner la lessive11,
Il faut à chaque fois la descendre au caveau,
Puis aller l’y puiser pour la mettre au fourneau.
De plus, c’est moy qui fais la petite besogne :
S’il nous vient du papier à rogner, je le rogne ;
Si quelque maladroit laisse faire un pâté12,
Pour le distribuer je seray deputé.
Par ce menu detail de ma grande misère,
On voit qu’il n’est esclave ou forçat de galère
Qui soit dans son malheur plus travaillé que moy.
Toy dont le cœur est bon, cher amy, c’est à toy
Que je veux adresser mes douloureuses plaintes.
Dissipes mes soupçons et rassures mes craintes.
À quoy dois-je m’attendre et que dois-je esperer ?
Ma misère doit-elle encor long-temps durer ?
Mais pardonne plustost si mon esprit s’egare,
Si, par un mouvement ridicule et bizarre,
Je deteste deja mon malheureux destin,
Et, trop tost rebuté, j’en demande la fin.
J’ay le cœur trop enclin à la reconnoissance
Pour oublier que c’est par pure bienveillance
Que tu m’as conseillé d’embrasser un etat
Qui, tout rude qu’il est, a pourtant de l’eclat :
Car enfin, si jamais des hommes l’industrie



11. On lave les caractères avec de l’eau de lessive.

12. On dit aujourd’hui faire tomber en pâte. C’est ce qui arrive lorsqu’une forme s’est rompue par accident et que les caractères en sont tombés pêle-mêle.