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Tantôt de mon malheur je n’accuse que moy,
Et tantôt je m’en prends à la mauvaise foy,
À l’avis seducteur d’un amy peu sincère
Qui me fit endosser ce collier de misère.
Je prends pourtant courage, et, me faisant raison,
Je monte vite en haut allumer du charbon.
Pour y mieux reussir, par terre je me couche,
Je me sers du soufflet, je souffle avec la bouche.
Des bluettes du feu les yeux tout eborgnez,
J’avale de la cendre et j’en prens par le nez.
À la fin, le charbon se convertit en braise
Et petille avec bruit dans l’ardente fournaise.
Alors, comme bientôt huit heures vont frapper :
Vous pouvez, me dit-on, vous en aller souper.
À peine ay-je entendu cette douce parole
Que precipitamment je m’elance et je vole ;
Je gagne le logis, où, pour surcroît d’ennuy,
J’apprens que pour souper faut attendre à minuit.
Pour moderer l’excès de mon humeur chagrine,
Je prens pour lit de camp un coin de la cuisine,
Où, malgré l’insolence et le bruit des laquais,
Je dors comme au milieu d’une profonde paix.
Justement pour souper me reveillant à l’heure,
À table avec les gens peu de temps je demeure,
Et, dejà degoûté de leurs fades propos,
Je cours avec vitesse au lieu de mon repos.
Dans le coin d’une court à tous vents exposée
Paroist un antre obscur juste à rez-de-chaussée.
Là règne une maligne et froide humidité,
Capable d’alterer la plus forte santé.
Il est vray qu’on n’y craint ni puces ni punaises ;
Mais partout, sur le lit, au plafond, sur les chaises,