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manteau, sans poignard ny espée, encor moins de mousquet ! Et pourquoy cela ? Parceque

On peint Bellonne et Mars tousjours tous nuds,
Car ceux qui s’y sont pleus, tels en sont revenus.

Ha ha ! ils pensoient tout fendre nostre gros bois19 ; mais ils ont faict comme l’ours, qui, pour avoir le miel caché dans le chesne entr’ouvert, s’y enserra gentiment les pattes, parce que le renard osta les coins20. Ils se promettoient trop à un coup ; mais poisson qui nage n’est pas prest ; le Bouillon21 n’en vaut rien, il est trop fade. Ô qu’ils sont tristes ! car

Faute d’argent n’emplit pas la bouteille ;
Faute d’argent rend l’homme tout deffaict ;
Faute d’argent l’homme gras et refaict
Rend maigre et sec, tremblant comme la feuille22.

Jamais le peintre Appelles ne depeignit mieux sa


19. Cette locution est restée, mais diminuée. On dit seulement aujourd’hui de quiconque promet des merveilles : il va tout fendre ; d’oùi le mot fendant pour fanfaron.

20. Le Roman du Renart, publié par Méon, t. 2, p. 24.

21. On joue ici sur le nom du maréchal de Bouillon, qui étoit, avec le prince de Condé, l’un des meneurs des troubles. On a souligné à dessein le nom dans le texte, pour rendre cette allusion plus transparente que toutes les autres qui se trouvent dans cette pièce.

22. Ces quatre vers font partie d’une chanson qui étoit déjà populaire au XVIe siècle, et qui se trouve dans le Recueil que Pierre de Phalèse réimprima à Louvain en 1554. Elle a pour refrain ce vers qui devint proverbe, et que Rabelais cite comme tel (liv. 11, ch. 16) :

Faute d’argent est douleur non pareille.

Roger de Collerye a pris cette chanson pour en faire son