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Voilà quant au mal mariez avec dame folie, qui, se repentans et sentans maintenant l’hyver arriver, ne trouvans plus rien à fricasser, recèlent et cachent leurs doubles cornes, comme les limaçons, honteux d’estre la matière fabuleuse entre le peuple ; on leur pourra dire en riant et sans scandale que

Il ne faut jà contrefaire
Et faire semblant d’avoir froid :
Car tel sera, au contraire,
Mieux à couvert qu’il ne voudroit.

Ô la grande folie que c’est de piller le poivre avant qu’avoir le lièvre, se jetter en longues et plausibles espérances ! Mais de quoy enfin ? de rien. Voilà un mariage bien égal, Maistre fol avec Dame folie ! ils feront de beaux enfans, ils auront la barbe en naissant, aux dents.

Je leur conseille de se servir le plus promptement qu’ils pourront de ce mien advis (si toutefois ils en ont le temps), d’assopir le feu de telle fougade15, et faire comme les anciens Romains, qui avoient des prestres pour appaiser les foudres et tonnerres, et ce par loix expresses portées aux douze tables, qu’ils ayent des amis qui aydent à esteindre le feu qu’ils ont allumé : car, si Juppiter (qui regarde la France tousjours de bon œil ) les regarde une fois en courroux, je les voy perdus ; il faudra herbam dare,


15. La fougade, foucade ou fougasse, étoit une sorte de petite mine qu’on préparoit sous un ouvrage qu’on vouloit faire sauter. Ce mot s’employoit aussi figurément. On dit encore dans quelques provinces d’une personne qui va par élans et par fougue : elle fait tout par foucade.