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Car, fut que le Soleil retira ses chevaux
De l’estable marine, annonçant les travaux,
Ou qu’au milieu du ciel il traina sa charrette,
Ou bien, ayant couru sa jornalière traite,
Qu’il s’en alla coucher chez sa tante Thetis,
Tousjours estoit aux champs le gentil Adonis,
Ou bien chassant le cerf à la teste branchue,
Ou le grondant sanglier armé de dent crochue.
Venus, qui dans le sin brusloit de son amour,
Ne le pouvoit laisser ny la nuit ny le jour,
Courant tousjours après ses beaux yeux et sa face,
Et fust-ce mesmement qu’il allast à la chasse,
Qu’il allast à la chasse au profond des forests,
Qui sont pleines d’horreur, pour y tendre ses rets.
Un jour elle l’y suit, brassant3 à l’estourdie
Des espineux halliers : une ronce hardie
Luy vint piquer la main, d’où s’escoula du sang,
Lequel, depuis germé dans le fertile flanc
De la mère commune, a donné la naissance

À la rose au teint vif, qui luy doit son essance.

Tout depuis ce temps-là, la fille de la mer,
Venus au front riant, sa main voulut armer
Contre chardons, et ronces, et piquantes espines.
Elle fit coudre adonc de leurs esguiles fines,
Aux Graces au nud corps, un cuir à la façon
De ses mains, pour après les y mettre en prison.

Les trois Charitez4, sœurs à la flottante tresse,
En usèrent après ainsi que leur maistresse.



3. Écartant avec les bras.

4. Les trois Grâces, Charites en grec.