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Mais changeons de propos, et venons à nos gans
Dont il est question. Ce n’est pas de ce temps
Seulement que l’amour l’œil de larmes nous mouille,
Qu’il nous tient en souci, que la teste il nous brouille
De mille passions, qu’il nous glace de peur :
Aussi bien au passé ce petit dieu pipeur
Tourmentoit les humains d’extresme fascherie,
Voire mesme les dieux ont senti sa furie.
Tesmoing soit Juppiter, qui tient le premier rang,
Changé tantost en or, en cigne, en taureau blanc ;
Et mesme, qui plus est, Venus, sa propre mère,
N’ha pas peu s’affranchir de sa douleur amère.
Maintenant la navrant, la faisoit suspirer
Pour l’amour du dieu Mars ; tantost pour un berger
Qui menoit ses troupeaux sur les rives du Xante ;
Tantost il luy faisoit une playe recente
Dans son cœur enferré d’un beau trait pris aux yeux
D’Adonis, le plus beau qui fut dessous les cieux.
Ce jeune fils de roy, chef-d’œuvre de nature,
Passoit en grand beauté tout autre creature :
Narcisse auprès de luy n’estoit que vain abus,
Ni mesme Cupidon, ni le plaisant Phœbus,
Si bien qu’il eust semblé que sa beauté celeste
Fust venue icy-bas affin d’estre moleste
À tous hommes mortels, leur versant dans les yeux
Un dangereux poison, toutesfois gracieux.

Mais s’il avoit le corps beau jusques à merveille,
Aussi son ame avoit une beauté pareille ;
Son cœur estoit royal et de vertu rempli,
Estant du tout en tout parfait et accompli.
De ses esbatemens la chasse fut l’eslite,
En imitant Diane, Orion, Hipolyte :