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preuf à deux6. Monsieur, vla vote peti faict, comme dit l’autre, sans aler aux halles.

Le Pourvoyeur. Elle me semble bonne. Combien me coustera-t-elle ?

La Poissonnière. Sans vous surfaire la marchandise d’un degné, elle vous coutra, au dernié mot, trente sous, à la charge qu’elle est frache et bonne, et me l’emportés.

Le Pourvoyeur. Quelle apparence y a-til que je paye trente sous d’une chose que j’aurois bien payé si j’en avois donné treize ou quatorze sous tout au plus ?

La Poissonnière. En despit soit fait du beau marchand de marde ! Hé ! je pense qu’ou estes enguieblé ! Allez, de par tout les guièbles ! à vote joly collet, porté vote argent au trippes7 ! Vous ayrez


6. Lisez empreuf et deux, comme nous le trouvons dans une pièce de l’Ancien théâtre (t. III, p. 54), ou plutôt encore empreu et deux, comme dans la Farce de Pathelin (édit. 1662, p. 21). Cette locution, qui se trouve aussi dans le Ménagier de Paris (t. I, p. 141), étoit la manière de compter en usage autrefois. On l’avoit empruntée aux écoliers. Quand ils tiroient au sort, au commencement d’une partie de jeu, ils disoient, pour le premier sorti, empereur. C’étoit le terme classique. Empreu est une abreviation, qui en a amené une autre, qu’on emploie toujours. Dans toute partie de lycéens, celui qui joue le premier est le preu. Le nom de preux donné aux meilleurs chevaliers vient peut-être aussi de ce qu’ils étoient les premiers, les preux en courage.

7. Le vocabulaire de ces dames n’avoit pas été refait depuis la harangère du Petit-Pont, qui combattit le régent à belles injures : « Va, va, lui dit-elle, porte ton liard