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pas si babillarde ; je n’avon pas le loisi d’allé pardre note argent pour donné des morciaux friands à monsieur à nos despens3. Si vous voulez voir un sot mont, allez vous en sur la butte de Montmartre, note homme dit que c’est un sot mon4 : car darnierement, quand il estet yvre, il se laissit tombé du haut en bas, et si cela ne l’y coustit rien5.

Le Pourvoyeur. Vous vous raillez donc ainsi des personnes, avec vos équivoques ? Mais parlons d’autre chose. Faites-moy voir une raye, la plus douce et la plus fraische que vous ayez.

La Poissonnière. J’en ay une belle et une bonne ; mais, par ma fiyguette ! je la garde pour note homme : c’est pour son petit ordinaire ; il se rirole comme t’y faut.

Le Pourvoyeur. Ce n’est pas cela que je vous dit. Montrez-moi ce que je vous demande, autrement je m’en iray autre part. N’avez-vous pas là une bonne raye ?

La Poissonnière. Un peu, si vous le trouvez bon ! Je pance, marcy de ma vie ! que j’en pouvon bien avoir, y nous en couste bon et bel argent, bien plaqué, bien escrit, marqué et compté en


3. C’est, on le voit, tout à fait le style poissard. La rime, c’est-à-dire l’assonnance, n’y manque même pas.

4. Voilà un calembour qui a été repris bien souvent. M. de Bièvre fut le premier plagiaire.

5. Montmartre et les poissardes furent toujours de vieilles connaissances. Un des ouvrages classiques du genre poissard est daté de ce sot mont : ce sont les Lettres écrites de Montmartre par Jeannot Georgin (Ant.-Urbain Coustelier). Londres, 1750, in-12.