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qu’il s’estimeroit heureux si elle ne se mescontoit point et ne le prenoit pour un autre, et lui tesmoigneroit en toute sorte d’occasion qu’il estoit personne à aymer parfaictement une femme qui l’obligeroit à cela par la douceur et par la modestie.

Ceste repartie donnant plainement à cognoistre au filou que Orcandre avoit desjà un pied dans le piège, il ne s’oublia point de poursuivre pour attaindre la fin de son dessein, et à cet effet de se servir particulierement des choses qui pouvoient desgager l’esprit d’Orcandre de toutes les craintes dont il pouvoit estre touché.

Il luy dit donc que ce n’estoit point en plaine ruë où il falloit parler d’affaires, et qu’elle seroit très aise que ce fut en quelque honneste lieu que Orcandre choisiroit chez ses amis, où elle luy feroit entendre plus particulierement ses intentions, et voir que les biens dont elle avoit la libre possession et jouissance estoient plus que suffisans à leur faire gouster les douceurs d’une vie tranquille, et que mesme elle avoit grande raison de rechercher l’appuy d’un homme faict comme luy, pour mieux regir et gouverner les effects de ses negoces.

Ceste proposition parut si douce en l’esprit d’Orcandre, qu’en mesme temps elle y fut si fort empreinte, qu’il sembloit que ce pauvre abusé ne respiroit plus qu’un air de langueur en l’attente du jour qu’on devoit parler plus precisement de cette affaire, et par effect il luy dict :

Madame, puis qu’il vous plaist me faire le bien et l’honneur de me rechercher en une chose que je ne