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Ces courtisans parez comme reliquiaires,
Ces fraisez, ces Medors, ces petits Adonis,
Qui portent les rabats bien froncez, bien unis ;
Ces fils gauderonnez30, d’un patar31 la douzaine,
Voyent presque tousjours leur esperance vaine ;
Que celle qu’enfantant se promet un geant
Ne produira sinon du fumier tout puant,
Lequel, pour tout guerdon, donnera la repue
À quelque nez camard qui jà en eternue.
Avecques leurs espoirs les courtisans sont foux ;
Que bienheureux sont ceux lesquels plantent des choux !
Car ils ont l’un des pieds, dit Rabelays, en terre,
Et l’autre en mesme temps ne s’éloigne de guière ;
Il n’est que le plancher des vaches et des bœufs ;
J’ayme mieux qu’un harenc une douzaine d’œufs,
Et je m’aymerois mieux passer de molue fraische
Que d’hazarder mon corps à pratiquer la pesche.
Ostez-moy cet espoir ; car je n’espère rien
Que d’estre un pauvre Job, sans secours et sans bien ;
Que fortune tousjours, qui de travers m’aguette,
Ne me voudra jamais baiser à la pincette,
Et je mourray plustost sur un fumier mauvais
Que dans quelque cuisine ou dans quelque palais.
Vous diriez que je suis un baudet et un asne
D’attaquer de brocards la secte courtisane,
Veu mesme que je vais, il y a plus d’un an,
Botté, esperonné, ainsi qu’un courtisan ;
Que c’est estre ignorant, avoir l’âme peu caute,



30. C’est-à-dire ayant fraise à grands plis, à grands godrons. V. notre t. 1, p. 164, note.

31. Petite monnaie flamande valant un sou.