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l’hiver, que les bleds estoient couppez, une des plus vieilles se leva, le front ridé et la chemise entre les jambes : C’est assez, dit-elle, c’est assez pleurer ; toujours le vent de bise ne sifle et ne descoche ses froidures ; après l’hyver vient le prin-temps. C’est trop semer, il nous faut recueillir : voicy l’autonne arrivé ; nous l’avons plustost trouvé que le prin-temps. Courage ! nostre gaignage est revenu. Nous avons doresnavant force besongnes ; si nous ne pouvons travailler de la pointe et que nostre esguille soit rompue, nous travaillerons du cul. Je disois tousjours bien que ces malheurs ne dureroient pas long-temps, et qu’enfin nous trouverions le moyen de gagner nostre vie. Il n’y a icy qu’une chose qui nous peut donner du doubte : peut estre que les filles du faux-bourg de Montmarte7 ou celles du faux-bourg Sainct-Victor8 voudront avoir part au gasteau ; car on m’a donné advis l’autre jour qu’il y avoit un grand nombre de nostre compaignie qui y estoient allées louer des chambres (car, pour les boutiques, elles les portent tousjours quant à elles). Si cela est, c’est un grand procez que nous allons avoir sur les bras, et, à vray dire, il nous faudra toutes en cecy contribuer.

— Mamie, luy fit une jeune guillerette qui a le vi-


7. Elles étoient surtout en nombre dans le quartier, alors tout neuf et pourtant fort mal habité, de la Villeneuve-sur-Gravois, et dans les environs de la rue des Fossés-Montmartre, où elles logeoient pêle-mêle avec les gueux. V. Tallemant, édit. in-12, t. 9, p. 23.

8. Dans la rue du Champ-Gaillard et ses environs. V. notre t. 3, p. 44, note.