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Et les moindres bergers font admirer leurs sons

Quand mon enthousiasme enfle leurs cornemuses.

Je montre au plus grossiers une amitié prodigue ;
M’admettant à leur table, ils joüissent de moy ;
Là je leur fais mesler tout à la bonne foy
Aux gazettes du temps cent contes de la Ligue.

Je leur fais estaler d’une grace authentique
Les guerres du passé, les siéges du present,
Et leur fais penetrer, en les subtilisant,
Les desseins du futur par esprit prophetique.

Mais les ingrats pour moy n’ont qu’une amitié feinte,
Puis qu’ayant espuisé mon sang et mes espris
Ils ne me voyent plus qu’avecques du mespris
Tant que d’un nouveau fruict je redevienne enceinte.

En effect, sans ce fruict je serois peu de chose,
Et n’aurois pas sujet de beaucoup me vanter ;
Mesmes il pourroit bien dans mes flancs se gaster
Si l’on ne m’ordonnoit d’avoir la bouche close.

Je ne suis que la gaine où ce glaive liquide
Recèle sa valeur et cache sa beauté3 :
Tant qu’il loge chez moy, j’ay de la vanité ;
Lors qu’il en sort, je pleure, et deviens toute aride.



3. Cette métaphore nous rappelle un amusant lazzi d’Arlequin. « Mezetin vient sur le théâtre, portant quelque chose sous son manteau. Arlequin lui demande : Que portes-tu ? — Un poignard, dit Mezetin. Arlequin cherche, et voit que c’est une bouteille ; il la boit, et la rend ensuite à Mezetin en lui disant : Je te fais grâce du fourreau… » (Biblioth. de cour, 1746, in-8, t. 2, p. 177.)