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Le pauvre, me tenant quand je suis ainsi pleine,
Ne porte point d’envie aux tresors de Crœsus,
Et, traisnant des souliers et des bas descousus,
Il marche avec orgueil comme un grand capitaine.

Avec mon elixir le plus lasche courage
Triomphe quelquesfois des plus braves guerriers ;
J’ay des foudres pour nuire aux plus dignes lauriers,
Et pour faire un affront à leur illustre ombrage.

Sans moy, ce dieu fougueux qui preside à la guerre
Verroit ses gens sans cœur errans à l’abandon,
Et ce doux assassin qu’on nomme Cupidon
Verroit ses traits sans moy plus fresles que du verre.

On void fort peu la joye aux lieux d’où je m’absente,
Et l’on void la sagesse où je n’excède pas ;
Je preste à celle-cy quelquesfois des appas,
Animant ses raisons d’une emphase puissante.

Caton, à ce qu’on dit, recherchant quelque pointe
Pour attirer les cœurs à suivre ses discours,
La faisoit mieux paroistre et de mise et de cours
Quand ma bouche s’estoit à la sienne conjoincte2.

Je me fais estimer la dixiesme des Muses,
Polissant les esprits sans beaucoup de façons ;


2. ——————-—–—————Narratur et prisci Catonis

Sæpe mero caluisse virtus.
Sæpe mero caluiss(Horat.)

Ce que J.-B. Rousseau paraphrase ainsi, dans son ode à l’abbé Courtin :

La vertu du vieux Caton,
Par les Romains tant prônée,
Etoit souvent, nous dit-on,
De salerne enluminée.