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mais cent mille autres (si tant il en avoit commises), tant grandes fussent-elles, et de ce lui jura et promit.

Lors le philosophe lui usa de tels propos : Monseigneur, il y a environ quinze ans que j’achetay un chrestien, lequel avoit esté pris sur mer par vostre grand admiral en une rencontre navalle. Cet homme est si docte et si sçavant qu’autre qui vive (comme je croy) ne le sçauroit surpasser, et n’y a science dont il n’aie cognoissance, ce que j’ay esprouvé par plusieurs et diverses fois, tant pour moi que pour autrui ; et, pour recompense de ses labeurs, je luy ay permis tousjours de vivre tacitement en sa religion, sans le molester d’aucune servitude (chose qui contrevient à vostre edict). Mais, puisqu’il vous a pleu me pardonner, si me voulez permettre d’aller chez moi, je le vous ameneray, m’asseurant que par lui vous sçaurez ce que desirez. Le grand seigneur, aise outre mesure d’un tel advertissement, lui enchargea d’aller querir le chrestien duquel il se vantoit ; ce que le philosophe fit incontinent. Or est-il à noter que le chrestien, qui estoit un homme de soixante ans, avoit eu revelation de ce songe la nuict au precedent, par une voix divine, qui lui avoit manifesté le tout ; au moien de quoy tout aussi tost que le grand seigneur lui eut fait le discours dudit songe sans attendre aucunement, il lui usa de tel langage : Excellent monarque des Turcs, puisque tu as desir de tirer de moy l’explication de ton songe, je te la donneray avec verité, non que cela vienne de moy, mais de Dieu, qui m’a d’icelle adverti pour te le communiquer. Croy donc que le lion pourtant une