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l’une de ses pattes un flambeau fort gros allumé ; ce lion, à son arrivée, faict trois tours à l’entour du palais, puis se jecte sur le pontife qui lisoit l’Alcoran, et lui arrache icelui et le brule en un moment, puis prend le pontife, et de ses griffes le met en tant de pièces que l’on ne les eust sceu nombrer. Le grand seigneur, voiant tel massacre, se lève de son throsne et veut prendre la fuite ; mais il est arresté tout court par le lion, qui de griffes et dents met en pièces tout son habit imperial, jusques à la chemise, de façon qu’il demeure tout nud, appelant ses gens au secours, mais en vain, car personne ne se presentoit pour lui aider. Lors, demi-mort de fraieur, il se jecte à genoux devant le lion, qui, prenant de lui compassion, lui commence à lecher les mains, et lui pose en icelles la croix qu’il portoit sur son chef et lui dict en langage sarrazin : Ceci est la croix en laquelle tu dois cheminer, sinon tu es perdu. Et, aiant le lion proferé telles parolles, il s’esvanouit et laissa le grand seigneur en tel estat, lequel, estant esveillé, demeura si esperdu et espouventé de son songe qu’il fut longuement sans pouvoir parler. Enfin il appelle ses gens et se faict habiller soudainement, et, levé qu’il fut, mande le souverain pontife et les plus grands prestres de sa loy, lesquels, estonnez de ce que le grand seigneur les envoioit querir si matin, vont en grande haste vers Sa Majesté. Eux arrivez, tout tremblant encor il leur conte ce songe, leur demandant l’explication d’icelui ; mais tous, après l’avoir oui par plusieurs fois discourir, asseurent ce monarque que ce n’estoit qu’un songe leger et vain, auquel il ne devoit