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Si j’eusse esté Ronsard, j’eusse berné Belleau8,
Quand, sobre, il entreprit ceste belle besongne
D’interpreter le vers de ce gentil yvrongne
Qui, dans les mouvemens d’un esprit tout divin,
Honora la vandange et celebra le vin.
Mais, à propos de vin, Lydas, reverse à boire :
Aussi bien ce piot rafraischit la memoire ;
Il faict rire et chanter les plus sages vieillars ;
Il leur met en l’esprit mille contes gaillards,
Et, quoy que l’on ait dit de la faveur des Muses,
Il inspire le don des sciences infuses,
Si bien que tout à coup il arrive souvent
Que l’ignorant par luy devient homme sçavant :
Nostre Arcandre le sçait, qui, pour aymer la vigne,
Passe desjà partout pour un poète insigne ;
Arcandre, qui jamais ne fait rien de divin
S’il n’a dedans le corps quatre pintes de vin.
Ah ! que j’estime heureux l’amoureux d’Isabelle !
Non pour ce qu’il adore une fille si belle,



8. Belleau avoit donné en 1556 une traduction en vers d’Anacréon. Ronsard le berna quelque peu à ce sujet :

Tu es trop sec biberon
Pour un tourneur d’Anacréon.
Belleau…

« Belleau, comme qui diroit Boileau, par opposition au chantre divin, ainsi que l’a remarqué spirituellement M. Sainte-Beuve, ce n’est qu’un jeu de mots ; mais à la manière dont Ronsard refit plus d’une de ces petites traductions, on peut croire qu’il ne jugeoit pas celles de son ami définitives. » (Tableau historique et critique de la poésie françoise… au XVIe siècle, Paris, Charpentier, 1843, in-18, p. 444.)