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Voyez-vous point ces plats d’une odeur parfumée
Espandre autour de nous une douce fumée,
Que l’air de nostre haleine eslève dans les cieux
En guise d’un encens que nous offrons aux dieux ?
Pour moy, qui suis contraire à ceste tirannie
Qui seconde les loix de la ceremonie,
Je me sieds le premier en ceste place icy ;
Despeschez, mes amis, asseiez-vous aussi,
Ou vous irriterez le feu de ma colère,
Qui ne s’appaisera que dans la bonne chère.
Que ces mets delicats sont bien assaisonnez !
Que ce vin est friant ! qu’il va peindre de nez
D’une plus vive ardeur que la plus belle dame
N’en alluma jamais dans le fond de nostre ame.
Inspiré de Bacchus, qui preside en ce lieu,
Je vuide ceste tasse en l’honneur de ce dieu.
Quoy ! pour avoir tant beu, ma soif n’est appaisée !
Je la veux rendre encor quatre fois espuisée.
Amis, c’est assez beu pour la necessité :
Ne beuvons desormais que pour la volupté.
Que chacun, à ce coup, ses temples environne
Des replis verdoyans d’une belle couronne
De pampre, de lierre et de myrthes aussi :
Il n’est rien de plus propre à charmer le soucy ;
Et, si, malgré l’hyver, qui ravit toutes choses,
On peut trouver encor des œillets et des roses,



avoit appelé pour cela son cabaret la Table du valeureux Roland (voy. notre tome 1er, p. 195), et il montroit avec orgueil, parmi les titres de noblesse de sa taverne, le dernier écot des douze pairs de Charlemagne. V. les Visions admirables du pèlerin du Parnasse…, Paris, 1635, in-12.