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LES IRRÉGULIERS DE PARIS.

bonne heure à leur mémoire et à leur franchise. Il avait, dès le début de sa carrière, tenu un registre exact et inexorable de ses actions.

Les premiers feuillets de son portefeuille racontent comment il résistait à l’émeute dans les campagnes ; on y constate tous les triomphes qu’il obtint avec les raclées qu’il reçut. Tel soir, à l’auberge du Cheval blanc, il terrassa sous ses arguments victorieux un pharmacien orléaniste ; tel autre jour, on le relève, moulu, l’œil jaune et le nez enflé : un jacobin s’est assis dessus.

Tous le monde a signé : le maire et les adjoints, le commissaire et les gendarmes, des fonctionnaires qui étaient en tournée, et des touristes qui passaient par là.

C’est avant la Présidence cela ! Mais ensuite, après l’Empire, les certificats changent. Ce n’est plus le souffle ardent de la politique qui va tourner les pages. Poupelin, ne pouvant être pasteur des peuples, se fait éducateur d’enfants ; il enseigne à nos fils l’alphabet et les quatre règles, c’est à ses patrons les maîtres d’école qu’il demande des certificats. L’un d’eux a mis : « Je certifie que M. Poupelin jouit d’un excellent appétit. » Et Poupelin a écrit en marge : « Un bon appétit est le signe d’une bonne conscience. » En 1860, le niveau baisse sensiblement. Poupelin fait établir qu’il paraît tranquille ; qu’en le voyant passer on ne remarque rien d’insolite ni de disgracieux dans sa démarche. Les garanties sont aussi sérieuses, mais les faits moins vastes.