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LES IRRÉGULIERS DE PARIS.

Je ne profitai pas de son offre, et je m’abstins de paraître sous mon arbre.

J’allai sous l’un, sous l’autre, pendant quelque temps ; mais le risque d’être découvert était grand, et ces nuits d’été, moins douloureuses que les nuits d’hiver, étaient peut-être plus fatigantes.

En été, le jour vient vite. Cette étoile du matin que j’accueillais d’un remerciement en décembre, je la saluais d’un soupir en mai, et rien ne m’attristait plus que l’aurore.

A trois heures et demie au plus tard, une lumière pâle éclairait les routes. Il commençait à passer du monde. Je ne pouvais rester là. Il fallait fuir et continuer le sommeil en marchant, me réveillant quand j’allais donner de la tête contre un arbre.

Je ne devais pas songer à rentrer en ville de sitôt. On est suspect de vagabondage à cette heure, dans les rues, quand on y marche d’un pas traînant, chaussé de souliers sans talons, sous des habits troués. Mais enfin il faisait bon. J’allais devant moi sur les routes peu fréquentées, la tête dans l’air frais, les pieds dans la rosée. Quand il passait du monde, je cueillais des fleurs dans l’herbe, comme un rêveur.

Je m’arrêtais enfin dans un petit sentier, et là assis près d’une haie, faisant semblant de lire, mettant